Je m’appelle Antoine Cesari

J’ai 51 ans dont 36 années passées comme soldat.

Etant totalement novice et autodidacte dans le domaine artistique et pour cibler mon lien instinctif avec les objets, la matière et la lumière, je soulignerai uniquement certaines périodes charnières. Celles-ci ont vraisemblablement suscité cette nouvelle vocation et interviennent dans chacun de mes processus créatifs :

dès l’enfance, après la disparition prématurée de mon père, j’ai développé un imaginaire solitaire et intemporel sensé réparer ce lien brisé ; j’ai dès lors ressenti une attirance singulière pour la contemplation des formes, des effets de la lumière, de leur interaction en variant angles et focales ; cette contemplation demeure toujours un passage ouvert dans l’incompréhension face à la mort ;

adolescent, j’ai été façonné par les luminosités baignant mon village en Corse du sud, faites, au fil des saisons, d’intensité, de contours et d’ombres tranchés sur le granit ou le liège, de brumes écloses et de clairs obscurs  désaltérant l’angoisse ;

jeune homme, lors des années de préparation littéraire à Aix en Provence avant d’intégrer Saint-Cyr, j’ai découvert certains tableaux poétiques comme ceux de Saint John Perse, de René Char, de Francis Ponge permettant de ralentir le temps ou de le rendre cyclique ;

ensuite, dans la maintenance des matériels militaires, j’ai été fasciné par la puissance, la force des métaux, des pièces mécaniques, leur mouvement, leur fonction protectrice ou menaçante, leur beauté brute et “non esthétique“ ;

dans les troupes alpines, j’ai été envoûté par le tranchant des reliefs et des crêtes, le jeu des ombres, la puissance et l’alternance des contrastes lumineux de la haute montagne;

lors des opérations extérieures, j’ai été touché par la luxuriance et la puissance de l’Afrique ou de la Guyane, par les rares moments d’espoir lumineux, les esthétiques résistantes au cœur de Sarajevo ou de Kaboul dévastées; surtout, j’ai pu intégrer le regard singulier des habitants sur les choses, instinctivement convaincus de leur rareté et persuadés de former un tout avec elles, dans un temps qui s’écoule différemment ;

enfin, dans le commandement d’un Bataillon Logistique en Afghanistan composé de centaines d’hommes et de femmes tous uniques, j’ai été convaincu de la nécessité d’aiguiser chaque jour son regard ; distinguer d’abord, permettre ensuite, encourager sans cesse les potentialités, redonner une chance, saisir les opportunités, découvrir les talents insoupçonnés, oser les dépassements de fonction possibles pour chaque individu au sein d’une masse kaki pourtant uniforme et ce, malgré les tensions, les blessures et l’usure de chacun.